Les faits ayant donné lieu au pourvoi sont très classiques en matière de relations entre professionnels. Une société exerçant une activité de restauration et de sandwicherie a conclu un contrat de location financière avec une société spécialisée, et ce afin de pouvoir louer du matériel fourni par une société tierce. A la suite d’impayés, la société de location financière a mis en demeure sa cocontractante en visant la clause résolutoire prévue à l’article 12 du contrat, puis l'a assignée en paiement des sommes dues. Mais, considérant que l’article 12 des conditions générales du contrat devait être réputé non écrit sur le fondement de l’article 1171 du code civil, la cour d’appel de Lyon a jugé que le contrat de location n’avait pas été résilié de sorte qu’il devait se poursuivre jusqu’à son terme.
La société de location a formé un pourvoi articulant plusieurs critiques.
Tout d’abord, la société demanderesse soutenait que l’article 1171 du code civil est une disposition générale qui, conformément à l'adage, ne peut trouver à s’appliquer que dans les matières où la prohibition des clauses génératrices d’un déséquilibre significatif n’est pas déjà assurée par des textes spéciaux, tels que l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce. De façon particulièrement intéressante, se référant expressément à l' « l’intention du législateur », la Cour de cassation confirme que ce texte de droit commun n’est applicable qu’à la condition que ni les dispositions spéciales du code de commerce, ni celles du code de la consommation, ne puissent trouver application. Toutefois, faisant référence à l’un de ses arrêts récents (Com., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-10.512), la Haute Cour rappelle que la location financière ne relève pas des dispositions du code de commerce, de sorte que l'article 1171 du code civil est bien applicable.
A titre subsidiaire, la demanderesse au pourvoi revenait sur la caractérisation du déséquilibre significatif. Elle reprochait ainsi aux juges du fond d’avoir déduit l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de la seule absence de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit prévue au contrat. Si l’on sait que la circonstance tirée du caractère non-réciproque d’un droit ou d’une obligation est fréquemment présentée comme de nature à établir l’existence d’un déséquilibre, cette solution n’est pas satisfaisante lorsqu’elle est appliquée sans prise en considération des spécificités des contrats en cause. En effet, lorsque, comme en l’espèce, l’une des parties exécute l’intégralité de ses obligations lors de la conclusion du contrat, la clause résolutoire de plein droit pour défaut d’exécution d’une obligation ne peut qu’être non-réciproque. Doit-on pour autant nécessairement la juger non écrite ? Une réponse négative s’impose, ainsi que l’a justement retenu la Cour de cassation aux motifs que « le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat […] se justifie par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties ».
Enfin, relative à la question des conséquences du déséquilibre significatif, la dernière branche du moyen reprochait à la cour d’appel d’avoir réputé non écrit l’intégralité de l’article 12 du contrat alors que seul l’article 12, b), posait difficulté au regard de l’article 1171 du code civil. Il était ainsi soutenu que, ne contenant que de « très classiques clauses résolutoires », l’article 12, a), qui avait été le seul mis en œuvre au titre du défaut de paiement des loyers, était distinct tant par son objet que par sa nature juridique de l’article 12, b), de sorte qu’il ne pouvait être retranché du contrat. La décision d’appel avait en effet a priori de quoi surprendre puisqu’il est désormais acquis que la portée de la non-écriture doit être limitée à la seule partie abusive de la clause, sauf à ce qu’un cantonnement aboutisse à réviser le contenu de la clause en affectant sa substance. Toutefois, en l’espèce, il semblait clair que, visant des cas de résolution distincts, les clauses a) et b) de l’article 12 étaient parfaitement divisibles. Aussi la Cour de cassation peut-elle être approuvée lorsque, faisant droit à l’argumentation du pourvoi, elle a retenu que la cour d’appel ne pouvait réputer non écrite la clause prévue à l’article 12, a) en se fondant exclusivement sur le déséquilibre créé par la clause prévue à l’article 12, b).