Si les locations de courtes durées sont plébiscitées par les voyageurs, notamment européens, elles sont également parfois perçues comme la source de problèmes, en particulier pour des communautés locales qui affirment être confrontées à des logements moins abordables ou à des flux touristiques excessifs.
Or, en droit de l’Union, ce secteur est aujourd’hui exclusivement appréhendé par le prisme des libertés de circulation, telles qu’applicables à l’économie collaborative (v. not. : « Home-Sharing in the Digital Economy : The Cases of Brussels, Stockholm, and Budapest », Impulse Paper prepared for the European Commission, DG Grow).
C’est dans ce cadre que de premiers principes ont été posés en la matière par la Cour de justice de l’Union européenne, afin que les États membres disposent d’une grille d’analyse de la compatibilité au droit de l’Union européenne des réglementations locales (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments SCI et HX, C-724-18 et C-727-18).
Sans revenir sur ces principes prétoriens, qui sont désormais appliqués par les juridictions nationales (v. récemment : TA Melun, 31 octobre 2022, n° 2208697), la Commission a fait le choix d’une réglementation essentiellement technique relative à la collecte et au partage de données concernant ce type de locations.
En effet, consciente que la donnée est « l’or noir du 21ème siècle », pour reprendre une expression éculée mais pertinente, la Commission a dressé le constat d’une fragmentation des différentes initiatives de collecte de données, laquelle augmente selon elle les coûts et réduit l’utilité des ensembles de données collectées.
A l’évidence, les données sur les locations meublées touristiques réalisées sur un territoire donné sont décisives, tant pour les pouvoirs publics locaux, que pour tout un ensemble d’acteurs économiques qui fournissent des services connexes à cette activité, tels que le nettoyage ou la gestion de biens immobiliers, ainsi que la restauration ou le transport.
Ainsi, la proposition de règlement, qui rationalise les obligations en matière de collecte et de partage des données pour les hôtes et pour les plateformes numériques, a vocation à remplacer les règles diverses et complexes en vigueur dans les États membres par un cadre unique « clair et proportionné ».
Très concrètement, la Commission européenne entend fixer un certain nombre d’obligations à la charge de l’hôte (1°) ainsi que des plateformes en ligne (2°), le non-respect de ces dernières pouvant faire l’objet de sanctions (3°).
1°) Harmonisation des exigences en matière d’enregistrement des hôtes
En premier lieu, le règlement harmonise la procédure d'enregistrement des hôtes et de leurs biens immobiliers.
Pour ce faire, est mise à la charge des États l’obligation de mettre en place des systèmes d’enregistrement conviviaux et entièrement accessibles en ligne, permettant notamment aux hôtes de renseigner : l’adresse de l’unité, le type d’unité, ou encore le nombre maximum de clients que l’unité peut accueillir.
Une fois la procédure d'enregistrement terminée, les hôtes recevront un numéro d'enregistrement unique qui leur permettra de démarrer leur activité, et dont la validité pourra être suspendue par les autorités publiques.
2°) Renforcement des responsabilités mises à la charge des plateformes
En second lieu, la proposition soumet les plateformes en ligne à des obligations de contrôle des infractions à la procédure d’enregistrement et de partage des données concernant les activités de location de leurs clients.
Tout d’abord, il sera fait obligation aux plateformes en ligne de :
• permettre à chaque hôte de déclarer lui-même, sur le site internet de la plateforme, si le logement proposé est situé dans une zone où une procédure d’enregistrement a été mise en place, ainsi que d’indiquer, le cas échéant, le numéro d’enregistrement de chacun de ses logements ;
• vérifier de manière aléatoire la véracité des déclarations de ses hôtes concernant l’existence d’une procédure d’enregistrement dans la zone dans laquelle est située le logement ;
• informer sans délai les autorités compétentes en cas d’éventuelles déclarations erronées, qui disposeront alors de l’opportunité de suspendre la validité des numéros d'enregistrement erronés et demander aux plateformes de retirer ou désactiver l’accès à tout référencement de ces biens ;
• rendre facilement accessibles les informations sur les règles régissant la prestations de services de location de logements de courte durée.
Par ailleurs, les plateformes numériques devront transmettre mensuellement et de manière automatisée, aux autorités publiques, les données d’activité de chaque logement. Par exemple, la plateforme indiquera le nombre de nuitées pour lesquelles une unité louée a été enregistrée, ou encore le nombre de clients ayant séjourné dans l’unité.
Concrètement, ces informations seront transmises à un « point d’entrée numérique unique », innovation du texte au service d’une simplification du dispositif, dont la création est obligatoire pour tout État membre ayant mis en place au moins une procédure d’enregistrement au sens du règlement européen.
3°) Un dispositif de sanctions dont la détermination est laissée à la discrétion des États membres
Si le texte est effectivement adopté par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne, les États membres devront mettre en place une série de sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » pour les infractions des plateformes aux obligations précédemment exposées.
Ceux-ci disposeront néanmoins d’un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la réglementation pour mettre en place les mécanismes nécessaires aux échanges de données.
A suivre, donc.