Invalidité des clauses statutaires de décision minoritaire dans les SAS !

Par un arrêt remarqué du 19 janvier 2022 (pourvoi n° 19-12.696), la Cour de cassation a jugé que les décisions collectives des sociétés par actions simplifiée (SAS) ne peuvent être adoptées par un vote minoritaire.

23 février 2022

S’il semble a priori naturel que les décisions d’une société soient prises par une majorité, tel n’est pas toujours la solution retenue par les associés des sociétés par actions simplifiées (SAS), lesquels peuvent, spécifiquement lorsque le contexte n’est pas conflictuel, vouloir faciliter la prise de décision des minoritaires. L’on pensait jusque là que le droit le permettait puisque, conformément à l’article L. 227-9 du code de commerce, « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient », de sorte que les associés d’une SAS jouissent d’une liberté contractuelle quasi-absolue (v. cependant : Com., 23 octobre 2007, pourvoi n° 06-16.537).

Mais, le 19 janvier 2022, la Cour de cassation a jugé que les décisions collectives des SAS ne peuvent être le fruit d’un vote minoritaire, fut-il prévu par les statuts.

Dans cette affaire, les statuts d’une société prévoyaient l’adoption des décisions collectives « à la majorité du tiers des droits de vote des associés présents ou représentés ». Lors d’une assemblée appelée à voter sur une augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel au profit du dirigeant, plusieurs résolutions avaient obtenu 223.313 voix « pour » et 269.185 voix « contre », aucun associé ne s’étant abstenu, de sorte que, bien que minoritaires, les résolutions avaient été considérées comme adoptées.

Malgré l’absence de tout fondement juridique, la Cour de cassation n’a pas hésité à sacrifier le principe fondamental de liberté statutaire au motif d’équité selon lequel cette liberté « trouve sa limite dans la nécessité d’instituer une règle d’adoption des résolutions soumises à l’examen collectif des associés qui permette de départager ses partisans et ses adversaires ». Et ce pour conclure que « les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés ».

Aussi surprenante soit-elle, cette décision exige des praticiens qu’ils s’adaptent rapidement en modifiant les statuts des SAS qui octroient un pouvoir décisionnel à une minorité qualifiée, par exemple en créant des actions attribuant un droit de vote multiple. Une incertitude demeure néanmoins sur la portée exacte de l’interdiction édictée par la Cour de cassation. En effet, si la décision mentionne indistinctement « les résolutions d’une SAS », seul l’alinéa 2 de l’article L. 227-9 du code de commerce est visé, de sorte que seules les décisions relevant de cet alinéa semblent concernées par cette interdiction. A suivre, donc.